Trois artistes intervenants de collège reviennent sur leurs projets, interrompus, mais toujours actifs.
Mariscal officiait à Pantin, collège Jean Jaurès sur la création d’une chanson, Niki Demiller (lauréat Grand Zebrock 2019) réinventait la comédie musicale avec les élèves du collège Jean-Baptiste Clément de Dugny et Mathieu Crochemore mettait du jazz et du funk dans le collège Henri Wallon d’Aubervilliers.
Niki Demiller – Collège Jean-Baptiste Clément à Dugny
« Avec la comédie musicale de science-fiction dystopique que j’ai développée dans le cadre du CAC, il s’est passé des choses épatantes avec les 6èmes de Marie Razniewski. Le rôle principal, un mutant mi-ours, mi-technocrate, chargé de testostérone, a été attribué à l’unanimité à une fille. Une fille plutôt timide… qui s’est mise à chanter façon Tina Turner dés que l’on a attaqué les répétitions ! C’était génial.
Dans la classe, il y a un élève décrocheur. Il n’a pas manqué une seule séance et s’est montré très investi dans les répétitions, se découvrant un don de chanteur. Un autre n’arrivait pas à chanter, il s’est alors mis à composer sur sa tablette à domicile. Les filles m’ont proposé plein de dessins de costumes pour les protagonistes. C’était extrêmement riche et inspirant. Les élèves se sont donné.e.s à fond, j’espère que sans le spectacle de fin d’année, le projet pourra exister… sur album qui sait ? »
Mathieu Crochemore – Collège Henri Wallon à Aubervilliers
« Participer au parcours CAC en 2020 fut une expérience riche de savoirs et d’enseignements, pour les élèves, je l’espère, pour moi également. De manière pragmatique, ce fut d’abord pour moi l’occasion de remettre les pieds dans un collège, chose que je n’avais pas faite depuis que je l’ai quitté il y a plus de 20 ans. L’occasion de constater que rien n’a changé, ou peu, et surtout pas le fond des choses. Quand on apporte la musique dans un établissement scolaire, on y trouve un écho positif, une énergie de la jeunesse, l’envie d’apprendre et de s’exprimer, de vivre et de grandir. L’envie de se confronter aussi, d’exprimer ses idées, ses goûts, de réagir aux propositions, de se révolter parfois, ce qui est l’énergie vitale dont notre monde a besoin.
J’ai pu apporter mon expérience et mes savoirs musicaux acquis par ma formation et ma pratique sur le terrain en tant qu’artiste, pour les proposer à une équipe pédagogique dont l’enseignement est le métier. Ensemble nous avons essayé de transmettre quelques clefs aux élèves, ouvrir avec eux quelques portes pour élargir leur champ des possibles, leur faire découvrir quel moyen d’expression fabuleux est la musique. Semer les graines pour que ceux qui en saisiraient l’occasion deviennent les artistes de demain, c’est-à-dire d’aujourd’hui. »
Enfin, ce fut l’occasion de jouer devant les élèves et d’apporter en live notre musique dans l’établissement. Je ne sais pas combien d’entre eux avaient déjà vu, à quelques mètres, un quartet de jazz jouer en direct, mais ce genre d’expérience fait parfois parti des évènements dont on se rappelle très longtemps… surtout lorsque ce concert a lieu le dernier jour de classe, annonçant le début du confinement en France. Ce jour-là eut certainement pour beaucoup d’entre eux le parfum de la liberté, marquant pour nous le début de changements profonds de notre société. Vers un monde meilleur, construisons-le ! »
Mariscal – Collège Jean Jaurès à Pantin
« Si je pouvais résumer cette action avortée en quelques mots, je commencerais par une phrase lancée sur whatsapp pendant une discussion avec la prof de musique : « ils sont absolument insupportables mais qu’est-ce qu’ils me touchent !
Je voudrais saluer le courage, l’engagement et le travail de l’équipe de Zebrock. Je voudrais remercier les enseignants avec qui j’ai collaboré, ils font un boulot formidable et unique, on ne le dit pas assez. Je voudrais rappeler à qui peut l’entendre que l’action culturelle existe depuis une bonne vingtaine d’année en France, grâce à l’engagement des structures et d’artistes venant du spectacle vivant, des arts plastiques, de la musique. Elle accompagne et doit accompagner la création, par le biais de quelque chose qui m’est cher dans mon métier de musicien depuis toujours : la transmission. Elle est immatérielle, impalpable, mais elle me semble essentielle, parce qu’elle touche l’émotion. On n’a jamais attendu de « plan culture », et je n’en ai pas besoin pour y être.
C’est toujours difficile pour moi de mettre les pieds dans un collège de zone dite « sensible », parce qu’on ne sait jamais ce qui peut s’y passer à chaque minute… Il faut prendre le temps mais pas trop, s’apprivoiser, se provoquer, essayer tous les modes de communication, se toucher l’un l’autre… Il faut savoir jongler entre oui et non chaque seconde, être une sorte de caméléon parfait… Il faut écouter finement comme on écoute la vibration de notre voisin chanteur, ou une fréquence sur une piste de batterie qu’il faut à tout prix couper… C’est une équation à plusieurs inconnues, ils ne savent pas qui nous sommes et ce que nous faisons, nous ne savons pas comment ils nous recevront chez eux … Parce que nous sommes chez eux … J’attends toujours le moment où on se dit, c’est ok, on peut y aller, on s’est rencontrés… Il est souvent implicite, mais il doit naître. C’est là où la transmission commence, et c’est à partir de ça qu’on peut créer. Cet instant venait juste d’arriver, le 13 mars 2020, le rendez-vous au point de rencontre. Bravo les 5eme6, et merci ! »