Noël, Noël !
Ce vieux père jadis rougeoyant vire pâle jaunissant, comme l’enseigne qui se vantait d’être agitateur culturel et n’est plus qu’un gros destockeur ripoliné jaune moche par les experts du marketing. Rien du jaune vif des gilets de la colère. Comment nous y retrouver dans les gondoles encombrées ?
Donc, Noël et son lot de cadeaux à savoir faire ou se faire. Côté musique, pas d’inquiétude, on veille sur nous. Rééditions à foison et pour certaines irrésistibles, même si nous ne sommes pas dupes des pièges qui nous sont tendus. A tout seigneur, l’honneur : The Beatles ce double blanc qui fera encore rêver au siècle prochain. C’est sans doute dans cette somme que l’on mesure le mieux à quel point les quatre garçons dans le vent ont marqué notre temps. Chaque morceau ne se présente-t-il pas comme une branche qui elle même se prolonge en de multiples ramifications ? Arborescence infinie dont nous découvrons à chaque saison les fruits dissemblables et tellement proches. Si nous suivons le fil d’un Helter Skelter nous n’arrivons pas au même endroit qu’à suivre Sexy Sadie. Faites le jeu et trouvez les descendances. Passionnant. Attention, à côté du très gros coffret très cher, un double cd fait l’affaire, moins cher. Au même rayon des trésors remis à neuf, citons l’époustouflant Village Green Preservation Society des incroyables Kinks, une leçon popissime ou encore Electric Ladyland le diamant de Jimi Hendrix. Conseil aux jeunes lecteurs : offrez-les à vos parents pour être sûrs de vous faire plaisir, car vous en hériterez.
Mais, dieu merci, des disques tous neufs parus ces derniers mois méritent tout autant votre attention : citons l’extraordinaire American Utopia de David Byrne d’une stupéfiante vitalité rythmique et mélodique. Le leader des Talking Heads a manifestement gardé intactes ses pulsions créatives. Ne manquons pas l’épatant La Pantoufle de Forever Pavot. Planqué derrière ce nom exquis Emile Sornin est à la tête d’une fantasque collection de disque et de souvenirs musicaux qu’il s’amuse à emboîter, défaire et reconstruire avec un sens aigu de la modernité et du bricolage. Ca commence comme du Zappa et ça finit comme du Mother of Invention passé par ce que la french pop a pu produire de plus émerveillant (Jean-Claude Vannier et Bertrand Burgalat compris). Ça ne se raconte pas, ça s’écoute. Rocé, quant à lui a fait œuvre de mémoire et de (re)création avec un double album Par les damné.e.s de la terre, avec des chansons de lutte pour certaines inédites, issues pour la plupart de l’ancien monde colonial. Crucial et historique. Comme l’est, dans un registre différent l’album de MC Solaar, Géopoétique.
Pour nos lectures, nous retenons la plume de notre amie et journaliste musical Stéphanie Berrebi. Dans son dernier livre, Les nuits d’une damoiselle « Après vous messieurs ! » aux éditions Vox Scriba, rythmé de chansons, Stéphanie fait le récit d’une femme moderne, son récit. Chapeau !
Et deux BD pour la route, Fréhel, de Johann G. Louis – figure incontournable de la chanson de la Belle Epoque et Musiques, de Sempé – Sempé révèle sa passion pour le jazz et célèbre la musique et les musiciens.
Côté sorties, le Grand Palais nous plonge dans la vie du king of the pop avec l’exposition Michael Jackson On the Wall quant aux Folies Bergères, accueillent la dernière extravagance de Jean-Paul Gaultier, le parangon de la mode décomplexée et son Freak Fashion Show avec à l’affiche Béatrice Demi Mondaine, plus belle et rayonnante que jamais.
Joyeux Noël à tous !