Mell, Déprime et collation

Mell s’était réfugiée à Montréal, alors nous sommes nombreux à ne pas avoir vu sortir Déprime et Collation, son dernier album qui est double. Certains y verraient une forme d’inconscience dans un marché atone : au terme de son écoute il faut bien en convenir, Mell en avait lourd sur la patate et deux disques suffisent à peine. Disons-le d’emblée: c’est un disque ENORME. La pochette d’abord, qui est somptueusement belle, et donne raison à ceux qui parfois rechignent au téléchargement. Sombre et luisante, elle figure la silhouette pensive de Mell marchant et les textes des chansons en surimpression dessinent un entrelacs de lettres comme un tissage subtil. Le titre et son nom en relief parachèvent cette sensation devenue rare de tenir un bel objet qu’on va un peu tarder à ouvrir. Pour l’écouter.
Deux cd. Disons-le tout de suite ce disque ne fait pas de quartier. Il y a des comptes à régler et les balles sifflent. Les plages chantées alternes avec des plages instrumentales aux couleurs sonores multiples très abouties, très électriques.
Devenue ingénieure du son, Mell y est aux manettes et explore tessitures et ambiances avec réussite. Côté textes, ça barde: le premier disque s’ouvre sur Ton corps j’ai crié, évocation déchirée du manque, thème qui parcourt nombre des chansons suivi d’une poignée de belles chansons, Au Louvre, Snack & blues, certaines apaisées, d’autres brutales, rudes dans leur propos, toutes traversées de cette déprime désabusée, du manque tourmenté que suggère sa silhouette sur la pochette.
Le deuxième cd, ne demande pas son reste: au splendide Au cinéma fait écho le lugubre Mon enterrement et le terrible Mort de rire, écho de la désolation qui a saisi Mell quand elle apprend à Montréal l’attentat de contre Charlie. Encore un mot sur la musique : c’est un disque de rock aiguisé, élégant et cru avec de belles guitares, des boîtes à rythmes qui fleurent bon la scène post-punk des années 80 à New York, parfois dansant, parfois mélancolique qui emporte vite ses auditeurs. Mais attention, ce n’est pas un disque déprimant : plutôt réconfortant et in fine apaisant. En se livrant, Mell se relance joliment. Une réussite éclatante. A lire:  Mell une belle interview dans le n°3 d’Hexagone.