Hey, Chuck !

Si elle émeut les « plus de… » qui savent situer Chuck Berry sur la carte de leurs émotions et souvenirs musicaux, sa disparition ne doit pas signifier grand chose à de jeunes générations bercées de sons électroniques ou d’invitations chaloupées à la danse. Pourtant la plupart savent… grâce à cette scène vraiment astucieuse de Retour vers le Futur où le héros décontenancé de découvrir que ses parents dansaient comme des oies, s’empare d’une guitare et, furieux, balance le fameux riff: ta-ta-ta-tatatatata, te-te-te-tettetete, qui, l’instant de sidération passé va faire se déhancher toute la salle, tandis qu’un grand black se rue vers un téléphone et fait écouter ce truc nouveau à son cousin Chuck… Oui, Chuck, c’est lui, Chuck Berry, inventeur, accoucheur de la matrice du rock, point de passage obligé de tout débutant qui va en quelques mesures devoir tout comprendre de l’idiome: le glissando, le mouvement du poignet, le triolet, les licks et la ryhtmique…
En 1955, déjà trentenaire, âge auquel, prétendirent quelques années plus tard quelques blanc becs surexcités, on ne pouvait plus jouer du rock (Hope I die before I get old ?), Berry enregistre Maybeline. Suivront Johnny be good, Memphis Tennessee , Carol, Roll over Beethoven et l’éternel School Days… Cette liste nous le révèle, Berry, occupe une place centrale dans notre mémoire musicale. Impossible recension des versions qu’elles connurent.
Nous à Zebrock qui nous employons à nourrir le goût de musique des adolescent/e/s, avons souvent évoqué dans les classes ce guitariste génial flanqué d’une plume magistrale, sans doute la première à s’appliquer à ce que chaque chanson raconte une scénette de la vie quotidienne, notamment celle des adolescents dont il avait vite compris que c’est leur univers qui allait rythmer dorénavant le monde de ces musiques qu’il jouait avec un talent certain: blues, rhythm’n blues, rock’n roll… Poète du rock affirmait John Lenon. Filou en diable, séducteur de grand chemin un poil escroc, régulièrement assigné au jailhouse (mais combien sont-ils les afro-américains peuvent se vanter de ne pas avoir fréquenté une prison ?), Chuck Berry a illuminé le rock de ses accords absolument majeurs. Certains se souviennent de son passage de grand tumulte à la Fête de l’Humanité, où, ça c’est moins connu, il avait renégocié direct son contrat, en cash et en dollars, le pied sur la dernière marche du petit escalier, menaçant de ne pas la franchir et menaçant de relancer l’émeute qui couvait ! Sacré Chuck ! Le concert était moyen comme souvent, mais nous eûmes droit au Duck Walk et à la légende. Dernier point, et pas des moindres: Berry est un des rares de sa génération et de sa condition a avoir connu succès et gloire et joui de ses droits d’auteur de son vivant. Chuck Berry: 1926-2017, tu as bien vécu.