Attendu de longue date, le voici le nouveau travail de notre marseillais favori. Fabriqué au fil de voyages ici et là et de contemplations de la mer sur la plage andalouse, il est bâti sur une trame sonore faite de boucles répétitives et de lignes mélodiques enchâssées, qui pourrait figurer le sac et le ressac des vaguelettes qui viennent s’échouer doucement sur le sable. Au fil des chansons c’est paradoxalement par une grande économie de moyens que sont mises en relief les poésies ciselées d’un hypersensible de la vie, un poète de grande dignité. Le parlé-chanté, ni slam, ni rap, dessine un ruban qui relie les 13 titres et produit une ambiance d’une grande douceur. Il y a quelque chose de délicatement hypnotique dans ces arrangements et le flot des mots qui finissent par nous bercer, particulièrement sensibles sur Océan et L’amour est allé voir ailleurs. Deux chansons – Je naviguais vers mon rêve et Le besoin de la nuit – travaillent le thème de l’exil, sans doute celui des migrants et de l’effrayante promesse de vie meilleure que se font ces hommes et ces femmes au destin fragile. Soyons lucides avec Nevché : l’ombre de la mort plane sur ces chansons et c’est bien ce qui est révoltant et nourrit ce besoin de dire, d’écrire qui le meut. Valdevaqueros, la chanson titre est émouvante dans son propos d’une grande intimité :
De quel côté j’étais,
De quel côté en moi,
Soufflait l’amour…/…
L’inconnu brillait dans mes yeux
Fidèle à ses horizons, Nevché avance lui aussi. La maturité gagne chacun de ses textes et les musiques soignées qui les sertissent ne viennent pas dire le contraire. Jusqu’à cette chanson, Moi je rêve de Johnny, faussement tendre où le souvenir effrayant du Bataclan émerge dans un décor périurbain désolant. Subtil, élégant et profond Valdevaqueros est un disque important, un disque à tenir tout près pour se reposer et se ressourcer, un grand disque de chanson française.