Nos craintes se confirment. Canal 93, la belle salle de Bobigny à l’acoustique magnifique, au plateau généreux qui a accueilli tant et tant de concerts fameux et passionnants, ce type de concerts que rendent possible les petites jauges, Canal donc, tourne la page. Ainsi en a décidé la Ville de Bobigny qui a pris l’initiative de ce projet et l’a fait grandir. Sauf que ce n’est plus la même Ville de Bobigny, ainsi que les électeurs l’ont décidé en 2014. Ont-ils décidé que Canal 93 serait vidé de sa substance? Pas sûr. Encore faudrait-il qu’un vrai débat ait eu lieu pour le dire. Remise en cause dans son projet de programmation, l’équipe s’est vue infliger des licenciements brutaux et a connu une vague de départs qui l’ont asséchée. Les choses se sont « clarifiées » à la rentrée quand les usagers des ateliers de Canal 93 ont découvert que ceux-ci sont supprimés sans façon. C’est d’ailleurs les usagers eux-mêmes qui en informent les professeurs qui tombent des nues tandis que les partenaires financiers de Canal son mis devant le fait accompli d’une nouvelle direction qui est aux abonnés absents.
On appelle ça du gâchis : toutes ces années à bâtir des compétences, à implanter un lieu de pratiques musicales qui donne une place remarquable au hip hop et à toutes les disciplines des arts urbains », un travail avec le conservatoire, des classes des écoles, collèges et lycée, une inscription dans le réseau départemental des lieux musicaux, une reconnaissance professionnelle d’ampleur et, en ce qui nous concerne, une relation privilégiée avec Canal 93 depuis toujours. Ce sera stop et pas encore. Le Grand Zebrock n’y tiendra plus ni auditions publiques ni ateliers : nos demandes de rendez-vous restent lettre morte. On ne peut que regretter une décision qui manifestement est dictée par des impératifs étroits, politiciens, voire électoralistes, ce qui nous éloigne de l’intérêt général et de la conduite d’une véritable politique culturelle, celle qui demande du temps, du courage et de l’intelligence.
Sans doute les habitants de Bobigny n’en méritent pas tant: il est toujours facile finalement de penser que les torrents de boue de C8 et consorts suffisent à l’édification de la belle jeunesse. Du coup nous revient en mémoire la vulgaire attaque dont Canal avait été victime il y a plus de dix ans quand l’enregistrement dans le cadre de Terre Hip Hop, ce beau festival consacré au rap, avait fait trembler le député du coin et une cohorte d’hommes politiques – de droite pour les situer – qui en avaient appelé, jusque dans l’hémicycle de l’Assemblée Nationale, à la destitution du maire et à la condamnation des responsables de Canal 93 pour quelques phrases qui reprenaient les schémas habituels de la petite provoc’ envers les forces de l’ordre. Quelques mots, rien de plus, mais un procès et des employés de Canal poursuivis pour quoi finalement ? Pour avoir fait leur boulot en permettant à des gosses ivres de rap de poser leurs mots dans leur flow. Nous en étions stupéfaits. Et désolés de tant de méchanceté. Comme nous le sommes aujourd’hui de tant de cécité. Ciao, Canal 93. Mais ce n’est qu’un au revoir.