Six ans que nous n’avions plus de nouvelles. Et pourtant le fil ne s’était jamais rompu. Après une carrière encensée par la critique, celle dont le simple prénom suffit à la représenter dans un paysage musical trop souvent uniforme, revient avec un titre qui dessine une mimique joyeuse sur les visages.
Un hiatus nécessaire pour (s’)inspirer, inhaler ; car voilà indéniablement une artiste dont la musique vient de l’estomac bien qu’elle ne mâche pas ses mots. La matérialité des mots fait les délices de son palais tant et si bien qu’elle rappelle, mutine, que le son est sa gourmandise. Et c’est là toute la puissance de l’audacieuse Camille : l’intention de se sentir comprise au-delà des mots, jouer avec un vocabulaire sonore dont elle use et abuse afin que la musique traverse les corps et les nourrissent d’une expérience sensorielle unique.
Profondément frondeuse, jamais vraiment chuchotante, toujours lyrique, elle apparait madone pour évoquer la maternité dans Fontaine de lait.
Cette reine de la métamorphose a habitué à surprendre. Tant par les thèmes que l’on ne se représente jamais totalement à la première écoute, que par sa voix et son corps qu’elle utilise comme instruments percutants et conceptuels. Désormais habitué à son étrangeté, l’étoffe polymorphe dont elle nous couvre à chacun de ces morceaux ne laisse pourtant pas indifférent. Camille, plutôt que de cultiver des Twix, a cultivé sa propre forme de normalité, dont on apprécie l’éclosion.