Luxe et luxure
Coutin. Un petit paquet d’années au compteur et toujours la foi. La foi du rock, donc un goût immodéré de la liberté. Dans les années 80, un imparable tube fait entrer le rock garage dans le panthéon du rock en français. J’aime regarder les filles déferle sur les radios et séduit filles et garçons en suggérant mille jeux où se mêlent désir, onirisme et, in fine, Amour. Et sexe. Luxe et luxure. Quarante ans plus tard la mélopée attire toujours autant et accompagne les émois adolescents, se contrefichant du genre. Dans un monde de la musique assez pâle, Coutin faisait exception. Il faut dire qu’il a voyagé et en a tiré du caractère : mai 68, un road trip musclé aux États-Unis pour finir dans la maison du Grateful Dead ce groupe dilatant bien barré, la scène pop de Paris au début des années 70, jusqu’au festival d’Auvers-sur Oise – le sublime ratage – pour atterrir dans la rédaction de Rock & Folk, LA revue musicale, avant de produire des disques à son tour. Bref, un parcours en mode respect. Et toujours la foi. Après avoir un bon moment pris part à l’aventure Zebrock, puis à celle de Canal 93, la salle mythique de Bobigny que nous espérons revoir prendre sa place, il a repris de plus belle composition, production et concerts. Aujourd’hui, le dandy revient avec une boîte de trois vinyles 30 cm, Coutin Paradise. Coutin au Paradis ? La bonne blague ! A-t-il vraiment cru que Saint-Pierre lui en fermerait les portes pour déployer une telle opération de charme ou est-ce simplement l’expression de son légendaire hédonisme ? Paradis électrique, Welcome in Paradise et Obsolète Paradise. Plus dévotion que rédemption, les trois disques dont un en anglais, un de reprises éternelles et un de morceaux récents, sont gorgés de ce rock laid back et puissant, au son gras, musclé et distordu, qui avance comme un félin. Indifférent aux modes, ce qui l’autorise à la jouer techno ici ou là, il nous livre une poignée de morceaux qui réjouiront celles et ceux qui ont construit leurs oreilles dans les années 70. Et toutes les autres qui auraient bien aimé y être. Comme tout culte réclame ses icônes et que le garçon ne fait rien à moitié, la Pizza Box est livrée avec de superbes lithographies qui donnent toute sa rareté à l’objet. Et là, casting de rêve : Hervé Di Rosa, Gilbert Shelton et Tanino Liberatore. Trois maîtres du pop art, de la BD et de l’illustration rock sont associés au projet qui devient un triptyque, autel d’une sacrée célébration. Celle de la liberté que nous procure la musique. Coutin en sait quelque chose.