L’injonction faite par le groupe Bolloré à Zaho de Sagazan de se taire, par la menace de retirer son titre La symphonie des étoiles des play-lists des stations du groupe, dont Europe 1, est une dangereuse grande première.
Ainsi dans ce beau pays démocratique qu’est la France un groupe industriel de médias prétend régenter les artistes et peser sur ce fondement de nos libertés qu’est la création artistique. Les précédant, des aboiements de l’extrême droite envers les artistes et intellectuels avaient déjà donné un aperçu de la menace qui se précise depuis la cérémonie d’ouverture de Paris 2024 qui a valu au metteur en scène Thomas Joly et à plusieurs des artistes y ayant pris part, notamment Barbara Butch, de recevoir insultes, mépris voire menaces de mort de la part de factieux en général anonymes planqués et tapies derrière leur écran. A l’issue de leur concert sur notre scène en 2023 les Vulves Assassines ont eu à subir de violentes attaques misogynes, masculinistes et réactionnaires sur les réseaux sociaux, réitérées et amplifiées après leur concert aux Vieilles Charues.
La réaction des milieux artistiques à la décision de Bolloré est salutaire par son ampleur et sa rapidité. Toutefois, le tableau est maintenant posé. En France 2024, les artistes sont sommés de prendre garde, surtout quand ils sont (mais en ont-ils le choix ?) pieds et poings liés à un business de la musique pétri par le marketing et quadrillé par des filiales du groupe Bolloré, de Fimalac ou les intérêts américains de Live Nation ou AEG. Difficile d’y faire entendre une voix dissonante et des esthétiques dérangeantes. C’est pourquoi, cette question de la liberté d’expression artistique doit occuper une place nouvelle, centrale, dans les débats politique et la mise en œuvre des politiques publiques qui en découlent. Ne pas céder à l’injonction des droites extrêmes et de leur appareil idéologico-médiatique c’est encourager toujours mieux les actes de création et leur diffusion et familiariser tous les publics avec la diversité et la complexité des langages artistiques. La preuve de la liberté est qu’elle existe.
Dans le même esprit, il faut amplifier et rendre populaires les campagnes de solidarité avec les artistes emprisonnés dans le monde, comme la chanteuse kurde Nûdem Durak emprisonnée en Turquie ou Toomaj Salehi condamné à Téhéran.
C’est pourquoi la scène Zebrock de la Fête de l’Humanité fêtera ses vingt ans en faisant claquer le drapeau de la liberté, premier des cinq droits de la musique défendus par le Conseil international de la musique.