Etre mélomane… un privilège, une coquetterie ? Ou bien..?

Ces derniers temps, une question nous préoccupe.

Tout à nos engagements professionnels pour l’éducation, au souci du travail bien fait dans les classes, avec les élèves et les artistes intervenants, à s’assurer que nos actions travaillent sur le fond de la réussite scolaire et pas seulement en surface, tout convaincus que la musique est une formidable entrée en culture, que transmettre répertoires et patrimoines est un enjeu d’une grande modernité, ne cultivons-nous pas une chimère, nous autres, les gens de Zebrock ? Le statut des musiques populaires (ou des musiques actuelles, comme l’on veut) est-il autant reconnu que leur place dans la société le laisse croire et que nous le pensons ? Une fois constaté que la musique est la première pratique culturelle des français et d’abord des jeunes, en tirons-nous toutes et tous le même enseignement, attribuons-nous à ces musiques du quotidien, riches et futiles, la considération dont bénéficient d’autres formes plus académiques ou inscrites dans le patrimoine ?

On peut en douter tant ne semble pas partagée notre conviction qu’elles peuvent, conjuguées à des pédagogies innovantes, constituer d’efficaces leviers éducatifs et tant il est également difficile de trouver les financements nécessaires à de bons projets éducatifs. D’ailleurs la notion même de mélomane, par laquelle s’opère une indiscutable distinction s’applique-t-elle également à qui possède un abonnement à la Salle Pleyel ou fréquente régulièrement le New Morning voire La Maroquinerie qu’à tel ou telle féru.e de Aya Nakamura, de NekFeu ou de Maître Gim’s ? Nous savons bien que non et c’est là que le bât blesse : encore une fois les inégalités sociales et/ou spatiales dicteraient leur loi ? Or nous revendiquons qu’être mélomane, pouvoir discuter avec profondeur de tel ou tel genre musical ou des œuvres ne peut rester le privilège de celles et ceux né.e.s avec suffisamment d’objets culturels « légitimes » à domicile. Des efforts bien plus importants doivent être consentis pour que les processus éducatifs s’emploient à ce que cela soit partagé par tous et toutes. Autant que faire se peut, les actions éducatives de Zebrock s’attachent à nourrir et cultiver le désir et le plaisir de parler musique et d’en écouter. L’ensemble de nos dispositifs reposent sur la conviction qu’apprécier, connaître et discuter de musique sont des activités non moins vertueuses qu’en jouer. Non pas que nous mésestimions l’intérêt de la pratique, mais autant que personne n’attend du cinéphile qu’il se fasse réalisateur, devons-nous absolument circonscrire la musique et le goût pour la musique à sa pratique ? Devons-nous considérer comme un point de passage obligé des ateliers parfois faiblards dans lesquels les enfants sont voués à entonner ou fredonner une mélodie banale pour une restitution devant des parents émus et quelques officiels attendris ? Non, on peut mieux faire !  Il y a aussi la culture musicale qui se cultive par la mise en relation de données les plus diverses, où histoire et géographie jouent à cache-cache avec poésie et imagination : les chansons recèlent une infinité de pistes pour des projets éducatifs innovants. Il est temps de s’en convaincre. C’est à ce dessein que se consacrent les formations à la médiation musicale que propose Zebrock. Mélo, notre navigateur musical de curiosité avec ses milliers de données, ses parcours et ses play-lists en est un remarquable outil. La plateforme propose notamment, à travers ses parcours, une approche patrimoniale des musiques actuelles. Bien plus reliées à ce qui les a précédé qu’il y paraît, elles sont un vecteur utile et agréable pour connaître, s’approprier et comprendre. Elles stimulent des processus intellectuels mobilisant des connaissances de divers registres rarement sollicitées chez les élèves. À cet égard la somme de commentaires qu’ont pu susciter les chansons de Stromae et les multiples liens qu’elles offrent de Brel à NTM ou MC Solaar sont éloquents : estampillées « patrimoine » avant qu’on ait fini de les écouter. D’ailleurs nous le savons bien nous parlons de beaucoup plus quand nous parlons musique, sans oublier à quel point la musique (sa pratique comme son écoute) nourrissent notre humanité. Testez Melo, vous verrez ! Alors, donnons à la culture musicale toute sa place dans une éducation bien faite : toutes, tous mélomanes !

Edgard Garcia